lundi 27 juin 2011

Je m'en vais

de Jean Echenoz, les éditions de Minuit.
Une vidéo de Jean Echenoz m'a conduite à lire un de ces romans. Texte semblant couler de source : "Ferrer fraternisa avec toute la famille Aputiarjuk. A table, il eut un peu de mal à comprendre la profession du père avant de comprendre que celui-ci n'en avait pas. bénéficiaire d'allocations, il préférait chasser le phoque au grand air plutôt que suer dans un petit bureau, dans une grande usine ou sur un gros bateau."

mercredi 22 juin 2011

Les maisons

Coq2Roche3.jpg
Coq de roche
"Nous sommes dans le noir, assis au fond de la salle. Il y a, près de nous, mais je ne le vois pas, un gros chien à poils longs. Je sais qu'il est là.
La boule de plumes vives (un coq exotique) est lancée vers nous. Relancée vers nous, puisque notre tâche consiste à la renvoyer afin que le chien n'en fasse pas son lot.
J'ai peur. La progression de la dévoration s'effectue en dépit de nos efforts. Le chien doit, à chaque fois, rogner un peu plus le coq, et nous ne parviendrons sûrement pas à le sauver."
Catherine Weinzaepflen, éditions Spectres familiers
Métaphore de notre existence ?

mercredi 15 juin 2011

L'Italie si j'y suis

Mocassins Stéphane Gontard - Stromboli
  de Philippe Fusaro, éditions La fosse aux ours.
Dès le début, ce type ne m'était pas sympathique. Quel frimeur ! Et puis, est-ce qu'on boit comme un trou quand on a un enfant avec soi ? Sans doute un roman autobiographique. Ca ne me donne pas envie de le rencontrer, ce bellâtre ...
J'ai lu assez vite le livre, j'étais finalement bien accrochée à l'histoire de ce pas du tout macho, et de son cosmonaute de fils.
Bref, j'ai succombé (une fois de plus) au charme italien.
Merci aussi pour la musique citée en fin d'ouvrage.

dimanche 12 juin 2011

La petite fille au fond du jardin

La petite fille au fond du jardin"Je l'avais nommée Anichoira, un diminutif d'Anne. Elle ne répondait peut-être pas à son nom, mais certainement à ma voix car quand je l'appelais, elle se soulevait et venait vers moi pour se frotter à mes jambes. Parfois, elle frottait sa barbiche contre mes pieds. Une amie fidèle.
Un jour, je rentre de l'école et Anichoira ne m'attend pas. Elle n'est pas là, je la cherche au fond du jardin, elle n'y est pas. Juste à ce moment, je vois mon père penché sur ma chèvre morte, bouche contre une entaille faite à l'un de ses pieds, il souffle, tout rouge, et la peau de l'animal se décolle lentement du corps. "Mon Anichoira !""
Bluma Finkelstein, éditions DIABASE
Un livre qui ne s'éloignera pas de ma table de chevet, et que j'offrirai volontiers.

vendredi 10 juin 2011

Janie (suite)


« Découverte macabre à Champagnol » : c’est affiché sur tous les bords de route, devant les marchands de journaux. Ce qui a été un choc terrible pour moi, c’est de retrouver Janie au cours de gym. Comment est-ce possible ?
Je l’ai tué hier, chez elle. Aucun doute, sur la sonnette figurait bien son nom « Dominique Najide ». Elle m’a ouvert, un peu surprise, mais m’a proposée un café. Je l’ai suivie dans la cuisine, et je l’ai poignardée quand elle s’est tournée vers les tasses. J’ai réussi à couper la tête, avec beaucoup de difficulté : je la garde d’ailleurs près de moi, dans un sac.
Je me suis sentie enfin soulagée. Je ne verrai plus jamais ce double sourire, cette double menace. Je ne craignais plus rien, Janie était morte.
Alors, tout à l’heure, quand je l’ai vue au cours de gym, j’ai cru m’évanouir. La soi-disant Claude était dans tous ses états : « Quel horrible crime. Comment peut-on être aussi cruel ? » Etait-ce son fantôme ? Cette femme possède-t-elle deux corps ?
Je tremble d’avoir percé son mystère : c’est un monstre, venu me persécuter.
Demain, j’irai chez Claude Caïnje, et je la tuerai.

Quand j’ai appris qu’on avait retrouvé le corps décapité d’une deuxième femme à Champagnol, j’ai été terrorisée. Un malade mental s’amuse à découper ses victimes dans la ville où je vis.  J’étais déjà très touchée par la mort de Dominique, on travaillait ensemble depuis une dizaine d’années. Je ne voyais pas qui pouvait s’en prendre à elle, c’était quelqu’un sans histoire. J’ai lu dans la presse le récit de son meurtre, puis celui de la deuxième victime. Je cherchai à comprendre, à trouver des points communs : les deux étaient célibataires, l’une était secrétaire, l’autre professeur de gymnastique. C’est alors que j’ai ressenti un haut le cœur : quelqu’un m’avait déjà demandé si ces deux femmes se ressemblaient. Mais qui ?

jeudi 9 juin 2011

L'avenir de la famille


"Sais-tu qu'il y a des papas sur lesquels on ne sait pas grand-chose ?"

"Par contre, ce que tu sais sûrement déjà, c'est que plus ta maman est loin, plus elle te manque."

Nikolaus Heidelbach
Editions il était deux fois

Moi non plus, je ne sais pas grand chose sur mon papa.
Moi aussi, ma maman me manque, surtout quand elle est assise à côté de moi.

mercredi 8 juin 2011

Impatiens


Fleur d'ombre, ton coeur fascine.
J'ai écarté tes pétales.
Trop vite.
Maintenant,
Espérer le prochain bouton.
Attendre.

dimanche 5 juin 2011

Janie

Janie prétend qu’elle s’appelle Claude. Elle est devant moi, elle donne un cours de gymnastique douce. « On respire, on se redresse, voilà ». Elle fait comme si je ne savais pas. De mon côté, je l’appelle Claude, comme tout le monde. En même temps, je vois bien qu’elle est encore contrariée. On s’est disputées une heure plus tôt, normal qu’elle s’en souvienne.
Sauf que tout à l’heure, elle se faisait appeler Dominique. On était toutes les deux au bureau, et comme souvent, on s’est fâchées.
Comment fait-elle pour vivre ses deux vies, sans se mélanger les pinceaux ?
Elle ne se trompe jamais. Un jour, pour voir, je l’ai appelée « Claude » dans le couloir : elle a continué son chemin.
Je sais qu’elle sait que je sais.  Je suis la seule à savoir qu’elle s’appelle en réalité Janie. Personne d’autre que moi ne la connais sous ce prénom. Parfois, j’ai peur. Cette double vie si parfaite cache quelque chose. Peut-être qu’un jour elle voudra éliminer un témoin gênant. Peut-être qu’il faudra que je prenne les devants.
Je ferai bien d’en parler. J’ai déjà essayé.  « N’importe quoi, elles ne se ressemblent pas du tout » m’a dit un jour Thérèse, que j’avais amenée au cours de gym. J’avoue qu’elle m’a fait douter.
Mais alors, comment expliquer le fait qu’elle garde de la rancœur contre moi le soir, quand on s’est accrochées dans la journée ? Et pourquoi un grand sourire au cours de gym les fois où on a bien rigolé  à la pause café ?
Je ne lui en ai jamais parlé. C’est tellement troublant pour moi. Dans un sens, je suis heureuse de partager son secret, notre secret.
Janie, moi seule te connais vraiment.

vendredi 3 juin 2011

Tante Emelina

Ma chère Emelina,
Non, ce n'est pas ça la vie.
La vie, c'est voir ces champignons.
C'est être Shirley Temple.
En tout cas, pour vous.
Sans doute est ce extravagant.
Comme toutes les vies.

jeudi 2 juin 2011

Les cinq femmes

"Quelques mois plus tard, l'horreur s'était drapée d'habitude, quand Olinda trompa l'implacable surveillance et réussit à la voir. Son visage émacié était strié de rides et sa bouche, édentée. Ses cheveux en bataille étaient d'un blanc jaunâtre. Ses yeux éteints regardaient dans le vide. Elle portait une robe de chambre usée jusqu'à la corde, noire de crasse. On aurait dit une misérable mendiante, une petite chose de rien du tout.
Lorsqu'elle la reconnut, elle lui tendit une main-grappin à travers les barreaux.
- Olinda !
S'ensuivit un long silence aride, abyssal. Puis elle dit d'une voix fatiguée, noyée dans le brouillard :
- Dis, ma fille, c'est ça la vie, non ? "
José Triana, éditions Actes Sud
Le décor se met en place, les personnages s'avancent, on entend leur ruminations mentales. Le brouillard persiste. Je comprends alors, et le drame éclate. Fin.